Revue de l'Océan Indien


Revue de l'Océan Indien
Octobre 2012
Chronique de Jaona Ravaloson
Analyste financier

Un outil salutaire
Il est d’usage, depuis que les économies occidentales ont explosé en plein vol, de se féliciter de la réussite des pays émergents. L’Asie et l’Amérique latine, longtemps repaires de dangereux gauchistes révolutionnaires, ont assimilé les leçons et les méthodes des suppôts de satan capitalistes et impérialistes et sont devenus aujourd’hui des réussites en matière de dynamisme économique grâce à l’adoption de l’économie libérale de marché. Même l’Afrique, jadis continent de la misère et de la famine, caracole en tête des palmarès de croissance, hausse des prix des matières premières et constitution progressive de classes moyennes aidant, et se donne une nouvelle image et un nouveau visage. Au milieu de ce concert de louanges, le cabinet d’avocats Simmons & Simmons, spécialisé dans l’accompagnement des entreprises occidentales en Afrique, a émis une note dissonante, lors d’un récent forum axé sur le sujet à Paris. En dépit des opportunités immenses et largement inexploitées, il a affirmé qu’on ne peut pas investir en Afrique en toute quiétude. L’une des raisons majeures tient aux insuffisances de l’environnement juridique et judiciaire et aux risques élevés de non respect des contrats, que ce soit des contrats publics- privés ou des contrats privés-privés. En effet, les entreprises (locales ou étrangères d’ailleurs) constatent souvent des difficultés à faire valoir leurs droits, en cas de litige et de conflit, et l’absence ou l’inexécution de sanctions, si elles ont la chance de gagner un procès après de longues procédures. Comme le temps c’est de l’argent et que les taux de rendement interne des investissements ne peuvent pas s’accommoder de temps mort pour des raisons de procédure, notamment judiciaire, il est donc vivement recommandé de s’abstenir d’opérer dans certaines contrées. Ce qui explique, d’ailleurs, que les seuls gros investissements en Afrique portent sur les industries extractives où souvent les opérateurs (de grandes firmes multinationales dont le chiffre d’affaires est supérieur de plusieurs facteurs aux Pib des pays où elles exploitent) imposent des attributions de juridiction extérieures au territoire national (contrats non soumis au droit national et litiges jugés par des tribunaux extérieurs au pays d’accueil). Il existe des palliatifs, voire des solutions, fort heureusement ! Il s’agit d’outil relativement simple à mettre en place et plutôt efficace. Madagascar, bien qu’au cœur d’un hiver politique transitionnel interminable, vient de s’en doter (comme quoi, même dans le pire des ténèbres, il peut y avoir un peu de lumière !). On voudrait évoquer ici la médiation et l’arbitrage qui constituent des modes alternatifs et plus judicieux de règlement des conflits dans les affaires et l’économie. Confidentiels et volontaires, l’arbitrage comme la médiation, requièrent le consentement des parties. Ce consentement conditionne et garantit le maintient de la continuité des affaires. Ce consentement peut être conféré avant le litige dans une clause de médiation ou une clause d’arbitrage incluse dans le contrat initial liant les parties. Il peut également être exprimé dans un compromis d’arbitrage ou une convention de médiation pour résoudre un conflit. Madagascar vient d’instituer officiellement, en le plaçant sous l’égide de la Chambre de commerce et d’industrie d’Antananarivo, un Centre d’arbitrage et de médiation (Camm), héritier d’une initiative lancée il y a une dizaine d’années, de manière totalement indépendante par des juristes de renom. La vocation du Camm est de prévenir et de régler les litiges entre contractants en toute confidentialité et dans les meilleurs délais, tout en veillant particulièrement à la continuité des affaires des parties prenantes. Les différends soumis au Camm sont pris en charge par des arbitres ou des médiateurs compétents et soumis à un Code de déontologie stricte, permettant de garantir les droits des “justiciables” par des procédures rigoureux et équitables (présence d’avocats, procédures écrites, respect de l’ordre public et du principe de contradiction), avec des coûts maîtrisés, des délais contrôlés et une confidentialité assurée. … Bref, quand on est une entreprise (locale ou étrangère), voilà de quoi calmer les frayeurs et la hantise de l’absence d’Etat de droit !